Les Géants
La nuit sur un champ de Mars
Ou dans une plaine de lune
Le vent dans une dune blonde
Ou le bord d'une colline brune
Tous ces paysages où le silence
Est roi, où le silence est loi
L'homme est fourmi, le coeur fourni
De l'immense, du beau et du grand
C'est ainsi que fut le monde, alien
D'avant le passage des hommes.
Moi, toute petite au creux du siège
Au fond de mon trou, j'aperçois
Montagnes dangereuses, volcans vierges
Avec leurs chapeaux d'endorlie neige
Dans laquelle se dorlotte les dieux
Une Olympe aborigène, étrange aux yeux
De celui qui n'a jamais vu l'infini.
Souvent je les vois, souvent je pense à toi
J'ai à peine un an de vie et je songe
Me demandant bien à quoi pensent
Les Atlantes de cette terre perdue
De la fin du monde, du fond du temps
Ils sont, parfois, loin du bon sens
Ils naviguent entre les îles
Détermination et Déseséprance
Alors, dans leurs maisons de bois
Un bois qui pourrit, un bois qui ment,
Ils allument cigarettes et coeurs
Se chauffent à la bière, se collent
En soeurs, en frères et amants
Ils chantent leurs malheurs,
S'ésclaffent du bonheur
Il y a lumière jaune, lumière rouge
On s'ouvre et on se découvre
S'essuient leurs pêchés
Sur leurs manteaux gras
Les cendres de pauvres cigares
Tombent en muet fracas
Ils hurlent quand il y a fortune
Car on se paiera une autre tournée
Ces marins du vide, prisonniers
Inconstants et ignorants mais touchants
De cette vallée de géants
Tout en roche, qui, s'ils se lèvront
A la prochaine nuit étoilée
Viendront sur la pauvre ville de bois
Et viendra tous les écraser du pied
Leur mémoire pas même jetée
A la marée basse.